7

— Et maintenant, poursuivit Taverner, allons bavarder avec Mrs Philip, au théâtre Magda West.

— Une bonne actrice ? demandai-je.

— Une de celles qui pourraient avoir du succès, me répondit-il. Elle a paru en vedette une fois ou deux sur des scènes du West End, elle a un nom dans le répertoire classique et on pense beaucoup de bien d’elle dans les théâtres fréquentés par les snobs. À mon avis, le fâcheux, pour elle, c’est qu’elle n’a pas besoin de jouer la comédie pour vivre. Elle peut choisir les pièces qu’elle veut interpréter et, à l’occasion, mettre de l’argent dans une affaire pour paraître dans un rôle dont elle s’est toquée et qui, généralement, ne lui convient pas du tout. Conclusion : on la considère plutôt comme un amateur que comme une professionnelle. Elle a du talent, notez bien, mais les directeurs ne l’aiment pas. Ils prétendent qu’elle est trop indépendante et que c’est une faiseuse d’histoires, avec qui on n’en a jamais fini. Est-ce vrai ? Je l’ignore, mais je sais que ses camarades artistes n’ont pas pour elle une sympathie exagérée.

Sortant du grand salon, Sophia venait informer l’inspecteur que Mrs Leonidès était prête à le recevoir. Je pénétrai dans la pièce derrière lui et j’aperçus, trônant sur le vaste canapé, une femme que j’eus tout d’abord quelque peine à reconnaître. Elle portait un ensemble gris d’un goût parfait, dont la veste ouvrait sur un chemisier d’un mauve très pâle, orné d’une broche qui était un fort beau camée. Sa blonde chevelure s’enlevait au-dessus de sa tête en un échafaudage charmant et compliqué. Son nez, que je remarquais pour la première fois, était menu et spirituellement retroussé. Il me fallut un instant pour identifier cette femme pleine de grâce avec la tumultueuse créature que j’avais vu un peu plus tôt dans un négligé couleur de pêche que je n’oublierai jamais.

Déjà elle parlait, d’une voix dont le timbre me parut celui d’une personne résolue à garder son sang-froid à tout prix.

— Asseyez-vous, messieurs, je vous en prie ! Vous fumez, inspecteur ? Cette aventure me bouleverse. Il y a des moments où je me demande si je ne rêve pas ! En quoi puis-je vous être utile ?

— Pour commencer, répondit Taverner, vous pourriez peut-être, madame, me dire où vous étiez lorsque votre beau-père est mort…

— Je devais être sur la route, revenant de Londres en voiture. J’avais déjeuné à l’Ivy, avec une amie, nous étions allées ensemble à une présentation de collection chez un couturier, nous avions passé quelques instants au Berkeley, avec des amis, puis j’avais quitté Londres. Quand je suis arrivée ici, j’ai appris que mon beau-père était… mort.

Sa voix avait tremblé juste ce qu’il fallait.

— Vous aviez beaucoup d’affection pour lui ?

— J’avais pour lui de l’adoration…

Le ton s’élevait. Sophia, à petits coups légers du doigt, rectifiait la position du Degas qui se trouvait au-dessus du manteau de la cheminée. Magda poursuivit, retrouvant sa voix de tout à l’heure :

— Je l’aimais bien. Nous l’aimions tous. Il était si bon pour nous !

— Vous vous entendiez bien avec Mrs Leonidès ?

— Brenda ? Nous ne la voyions guère.

— Et pourquoi donc ?

— Manque d’affinités. Pauvre chère Brenda ! Elle a dû, bien souvent, connaître des moments difficiles.

Sophia taquinait de nouveau le Degas.

— Ah ! oui ? Dans quel sens ?

— Je n’en sais trop rien.

Magda hocha la tête, avec un petit sourire triste.

— Était-elle heureuse ?

— Je le crois.

— Elle ne se disputait pas avec son mari ?

— En toute sincérité, inspecteur, je n’en sais rien.

— Elle était, je crois, en excellents termes avec Mr Laurence Brown ?

Les traits de Magda Leonidès se firent sévères.

— Il ne me semble pas, dit-elle avec dignité, que vous soyez en droit de me poser de telles questions. Brenda était en excellents termes avec tout le monde. Elle est très sociable.

— Mr Laurence Brown vous est sympathique ?

— C’est un garçon qui ne fait pas de bruit. Aimable et effacé. À vrai dire, je l’ai peu vu.

— Comme professeur, il vous donne satisfaction ?

— Je crois. Tout ce que je sais, c’est que Philip semble très content de lui.

Taverner essaya d’une tactique plus brutale.

— Je suis désolé de vous demander ça, mais, à votre avis, peut-on parler d’un… flirt entre Mr Brown et Mrs Brenda Leonidès ?

Magda se leva, très grande dame.

— Je n’ai jamais rien remarqué et je tiens, inspecteur, que vous n’avez pas le droit de m’interroger là-dessus. Brenda était la femme de mon beau-père.

Je faillis applaudir. L’inspecteur s’était mis debout, lui aussi.

— C’est peut-être, dit-il, une question que je ferais mieux de poser aux domestiques ?

Magda ne répondit pas. Taverner la remercia d’un mot, salua de la tête et se retira.

— Bravo, maman ! s’écria Sophia. Tu as été magnifique.

Magda se regardait dans la glace et arrangeait une bouclette derrière son oreille droite.

— Oui, dit-elle. C’était bien comme ça qu’il fallait jouer ça…

Sophia me regardait.

— N’auriez-vous pas dû suivre l’inspecteur ?

— Mais enfin, Sophia, quel doit donc…

Je m’interrompis : je ne pouvais décemment pas lui demander devant sa mère ce que devait être mon rôle à « Three Gables ». Magda Leonidès ne m’avait pas jusqu’à présent accordé la moindre attention. Que je fusse un reporter, le fiancé de sa fille, un obscur auxiliaire de la police ou même le représentant de l’entrepreneur des Pompes funèbres, pour elle, c’était la même chose : j’étais le public.

Son regard se porta sur ses chaussures. Elle fit la moue.

— Ces souliers ne sont pas ceux que j’aurais dû mettre. Ils font frivoles…

Obéissant à un impérieux signe de tête de Sophia, j’allai retrouver l’inspecteur Taverner, que je rejoignis dans le hall, au moment où il allait franchir la porte conduisant à l’escalier. Il me dit qu’il allait voir le frère aîné. Je décidai de lui soumettre, sans plus attendre, le problème qui me tracassait.

— Enfin, Taverner, lui demandai-je, qu’est-ce que je fais ici ?

Il me regarda d’un air surpris.

— Qu’est-ce que vous faites ?

— Oui. Si on me demande à quel titre je suis ici, qu’est-ce que je réponds ?

— C’est ça qui vous préoccupe ?

Après deux secondes de réflexion, il reprit :

— On vous a posé la question ?

— Euh… non !

— Alors, ne vous en faites donc pas ! Pas d’explications, c’est une excellente devise, surtout dans une maison comme celle-ci, où les gens ont suffisamment de soucis personnels pour ne pas avoir envie d’interroger les autres. On ne vous demandera rien aussi longtemps que vous aurez l’air d’avoir le droit d’être ici… et c’est toujours une erreur que de parler quand ce n’est pas indispensable ! Cela dit, montons !

Le pied sur la première marche, il poursuivit :

— Naturellement, vous vous rendez compte que toutes ces questions que je leur pose n’ont absolument aucun intérêt et que je me moque éperdument de ce que ces gens-là faisaient quand le bonhomme est passé de vie à trépas ?

— Alors, pourquoi les interroger ?

— Parce que cela me permet de voir à quoi ils ressemblent et qu’il n’est pas impossible que, dans leur bavardage, ils me donnent quelques informations dont nous pourrons tirer parti.

Plus bas, il ajouta :

— J’ai idée que Magda Leonidès, si elle le voulait, pourrait nous dire des choses fort intéressantes.

— Vous lui feriez crédit ?

— Bien sûr que non ! Seulement, j’aurais peut-être un point de départ. Le chiendent, c’est que, dans cette sacrée maison, tout le monde avait l’occasion et le moyen de commettre le crime ! Ce que je cherche, c’est le mobile.

En haut de l’escalier, une porte barrait le couloir de droite. Elle était fermée à clef. L’inspecteur manœuvra le marteau de cuivre. Un homme ouvrit presque aussitôt, une manière de géant aux puissantes épaules, avec des cheveux noirs mal peignés. Il me parut laid, mais d’une laideur sympathique. Taverner se nomma.

— Entrez ! dit l’homme. J’allais sortir, mais ça n’a pas d’importance. Venez au petit salon ! Je vais prévenir Clemency… Ah ! tu es là, chérie ? C’est l’inspecteur Taverner. Voyons… Y a-t-il ici des cigarettes ? Je vais en chercher. J’en ai pour une seconde.

Il se heurta à un paravent, auquel j’eus bien l’impression qu’il bredouillait quelques paroles d’excuses, puis disparut. C’était comme la sortie d’un bourdon. Le silence qu’il laissait derrière semblait perceptible.

Mrs Roger Leonidès était debout près de la fenêtre. Tout de suite, sa personnalité m’intrigua, comme l’atmosphère même de la pièce où nous nous trouvions.

Nous étions « chez elle », la chose ne faisait aucun doute. Les murs, peints en blanc, étaient nus, exception faite d’une toile accrochée au-dessus du manteau de la cheminée, une fantaisie géométrique, réalisée en triangles gris-noir et outremer. Les meubles étaient peu nombreux : quelques sièges, une table à dessus de verre et une petite bibliothèque. Aucun bibelot. De la lumière, de l’espace et de l’air. Un contraste total avec le grand salon d’où nous sortions.

Il apparaissait de même que Mrs Roger Leonidès était une tout autre femme que Mrs Philip Leonidès. Magda possédait trente-six personnalités différentes. Clemency était elle-même et ne pouvait être qu’elle-même.

Elle devait avoir une cinquantaine d’années. Ses cheveux gris, coupés court, encadraient heureusement un visage agréable. Elle avait de très beaux yeux gris, au regard vif et intelligent. Elle portait une robe rouge, en laine, qui mettait en valeur la minceur de sa silhouette. On sentait en elle quelque chose d’inquiétant. Du moins en jugeai-je ainsi, sans doute parce qu’il me semblait que cette femme ne devait pas considérer l’existence avec les yeux de tout le monde.

Nous ayant invités à nous asseoir, elle demanda à Taverner « s’il y avait du nouveau ».

— Oui, madame, reprit-il. La mort est due à un empoisonnement, causé par l’ésérine.

De la même voix posée, elle dit, pensive :

— Donc, il s’agit d’un meurtre. Il ne saurait être question d’un accident ?

— Certainement pas.

— Puis-je, inspecteur, vous prier d’être très gentil avec mon mari ? Cette nouvelle va le bouleverser. Il adorait son père et c’est un homme extrêmement sensible.

— Vous étiez en bons termes avec votre beau-père, madame ?

— En excellents termes.

Très calme, elle ajouta :

— Je ne l’aimais pas beaucoup.

— Pourquoi donc ?

— Je n’approuvais ni les buts qu’il donnait à son activité ni les méthodes qu’il employait pour les atteindre.

— Et Mrs Brenda Leonidès ?

— Brenda ? Je ne l’ai jamais vue beaucoup.

— Croyez-vous qu’il soit possible qu’il y ait eu… quelque chose entre elle et Mr Laurence Brown ?

— Je ne le pense pas, mais serait-ce, je ne le saurais vraisemblablement pas.

Le ton même de sa voix donnait à entendre que la chose ne l’intéressait pas. Roger Leonidès entrait en coup de vent.

— J’ai été retenu, expliqua-t-il. Le téléphone. Alors, inspecteur ? Vous nous apportez des nouvelles ? On sait de quoi mon père est mort ?

— Empoisonnement par l’ésérine.

— Mon Dieu !… Alors, c’était bien ça ! C’est cette femme qui n’aura pas pu attendre ! Il l’avait pratiquement tirée du ruisseau et voilà ce qu’aura été sa récompense ! De sang-froid, elle l’a assassiné. Quand j’y pense…

— Avez-vous quelque raison particulière de l’accuser ?

Fourrageant de ses deux mains dans ses cheveux, Roger arpentait la pièce de long en large.

— Une raison ? Mais, si ce n’est pas elle, qui voulez-vous que ce soit ? Moi, je ne lui ai jamais fait confiance et je n’ai jamais eu la moindre sympathie pour elle. Aucun de nous d’ailleurs ne l’aimait. Philip et moi, nous sommes restés atterrés le jour où papa nous a appris ce qu’il avait fait ! À son âge ! C’était de la folie !… Mon père, inspecteur, était un personnage étonnant. Son intelligence restait aussi jeune, aussi alerte, que celle d’un homme de quarante ans. Tout ce que j’ai en ce monde, je le lui dois. Il a tout fait pour moi et jamais son aide ne m’a manqué. La mienne, par contre, quand j’y réfléchis…

Il se laissa lourdement tomber dans un fauteuil. Sa femme lui posa la main sur l’épaule.

— Voyons, Roger, calme-toi !

— Je sais, chérie, je sais… Mais comment resterais-je calme quand je songe…

— Il faut pourtant que nous restions calmes, Roger, tous ! L’inspecteur Taverner ne demande qu’à nous aider et…

Brusquement, Roger Leonidès s’était levé.

— Vous savez ce que je voudrais faire ?… Eh bien ! cette femme, j’aimerais l’étrangler de mes mains ! Voler à un malheureux vieillard les dernières années qu’il lui reste à vivre… Si elle était ici, je lui tordrais le cou !

— Roger !

La voix était impérieuse. Il baissa la tête.

— Pardon, chérie !

Se tournant vers nous, il ajouta :

— Je m’excuse, messieurs. Je me laisse emporter… Pardonnez-moi !

Il sortit de nouveau. Clemency Leonidès dit, avec un vague sourire :

— Et c’est un homme qui ne ferait pas de mal à une mouche !

Taverner déclara fort courtoisement qu’il n’en doutait pas, puis entreprit de poser à Mrs Leonidès des questions auxquelles elle répondit avec autant de précision que de brièveté. Le jour de la mort de son père, Roger Leonidès, après avoir passé la matinée à Londres, à Box House, le siège social de l’Associated Catering, était rentré au début de l’après-midi et avait passé quelques instants avec son père, ainsi qu’il avait coutume de faire chaque jour. Pour elle, elle était allée comme d’habitude au Lambert Institute, dans Gower Street. Elle n’était revenue à « Three Gables » qu’un peu avant six heures.

— Avez-vous vu votre beau-père ?

— Non. C’est la veille que je l’ai vu pour la dernière fois. Après le dîner, nous avions pris le café avec lui.

— Vous ne l’avez pas vu le jour de sa mort ?

— Non. Je suis bien allée dans la partie de la maison qu’il habitait, pour y chercher une pipe appartenant à Roger, mais, l’ayant trouvée sur une table du vestibule, où il l’avait oubliée, je n’ai pas eu besoin de déranger mon beau-père. Vers six heures, il lui arrivait souvent de somnoler.

— Quand avez-vous appris qu’il était fort mal ?

— C’est Brenda qui est venue nous prévenir. Il était un peu plus de six heures et demie.

Taverner, dont le regard se détachait rarement de celui de Clemency Leonidès, lui posa ensuite quelques questions sur la nature de son travail au Lambert Institute. Il s’agissait de recherches sur la désintégration atomique.

— En somme, vous vous occupez de la bombe atomique ?

— Pas précisément. Nos expériences intéressent le côté thérapeutique de la désintégration atomique.

Quand Taverner se leva, il exprima le désir de jeter un coup d’œil sur la partie de la maison habitée par le ménage. Encore qu’assez surprise de la requête, Mrs Roger Leonidès s’empressa de lui donner satisfaction. La chambre à coucher, avec ses lits jumeaux et leur courtepointe blanche, faisait vaguement songer à quelque cellule monastique. La salle de bains n’était guère moins sévère. La cuisine, d’une propreté immaculée, était magnifiquement agencée pour épargner du travail à la ménagère. Nous arrivâmes à une dernière porte que Clemency ouvrit en disant :

— Ici, vous pénétrez dans le domaine privé de mon époux.

— Entrez ! dit la voix de Roger. Entrez !

Je poussai un discret soupir de soulagement. Après les pièces austères que je venais de voir, j’étais heureux de découvrir enfin un endroit qui reflétait la personnalité de l’occupant. Le bureau, couvert de papiers, parmi lesquels traînaient de vieilles pipes, offrait un sympathique désordre. Les fauteuils étaient vastes et usagés, les murs ornés de photographies – des groupes d’étudiants, de joueurs de cricket et de militaires – et d’aquarelles, représentant des minarets, des couchers de soleil ou des bateaux à voiles. La chambre donnait l’impression d’être celle d’un homme qu’on eût aimé compter au nombre de ses amis.

Roger, avec des gestes maladroits, débarrassait un coin du bureau pour nous servir à boire.

— Tout est en l’air, dit-il. J’étais en train de mettre un peu d’ordre dans mes paperasses…

J’acceptai le verre qu’il me présentait. L’inspecteur déclara qu’il préférait ne rien prendre.

— Il ne faut pas m’en vouloir, poursuivit Roger. Je me laisse emporter et…

Il jeta un coup d’œil craintif autour de lui. Mais Clemency n’était pas entrée avec nous dans la pièce.

— C’est une femme magnifique, reprit-il. Vous savez de qui je parle ? Dans toute cette histoire, elle est splendide… et je ne saurais dire combien je l’admire. Et elle a vécu des jours terribles, je tiens à ce que vous le sachiez. Ça se passait avant notre mariage. Son premier époux était un très chic type, mais malheureusement d’une santé fort délicate. En fait, il était tuberculeux. Il faisait de très intéressantes recherches de cristallographie. Il travaillait énormément, gagnait peu, mais refusait d’abandonner son laboratoire. Elle l’aidait, se dépensant sans compter, s’épuisant pour lui épargner de la peine, tout en comprenant parfaitement qu’il était en train de se tuer. Jamais elle n’a eu un mot pour se plaindre, jamais elle n’a admis qu’elle était fatiguée et jusqu’au bout elle lui a dit qu’elle était heureuse. Quand il est mort, elle s’est trouvée désemparée. Elle a fini par m’épouser. J’aurais voulu qu’elle se reposât, qu’elle cessât de travailler. Mais nous étions en guerre et elle avait un trop clair sentiment de son devoir pour m’écouter. Et, aujourd’hui, elle continue ! C’est une épouse magnifique, la meilleure qu’un homme ait jamais eue et tous les jours je me dis que, le jour où je l’ai rencontrée, j’ai eu plus de chance que je ne méritais. Pour elle, je ferais n’importe quoi !

Taverner prononça avec tact la phrase qui s’imposait et, par une transition habile, revint à ses questions ordinaires.

— Comment avez-vous appris que votre père était au plus mal ?

— C’est Brenda qui est venue me prévenir. Je me suis précipité. J’avais quitté mon père environ une demi-heure plus tôt et, à ce moment-là, il était en parfaite santé. Quand je suis arrivé, je l’ai trouvé râlant, le visage tout bleu. Je me suis rué chez mon frère, qui a téléphoné au médecin. Je… Nous ne pouvions rien faire. Naturellement, pas une seconde je n’ai eu l’idée qu’il pouvait y avoir dans tout cela quelque chose de suspect…

Quelques instants plus tard, nous nous retrouvâmes, Taverner et moi, en haut de l’escalier.

— Les deux frères ne se ressemblent guère ! murmura l’inspecteur.

Il ajouta :

— C’est drôle, une chambre ! Ça vous apprend un tas de choses sur les gens qui vivent dedans.

J’acquiesçai. Il poursuivit :

— Il y a des mariages curieux, hein ?

La remarque pouvait s’appliquer aussi bien au couple Roger-Clemency qu’au couple Philip-Magda. Des unions bizarrement assorties, mais des mariages heureux, semblait-il. Pour Roger et Clemency, c’était même une certitude.

— À première vue, reprit Taverner, ce type-là n’a pas l’air capable d’empoisonner quelqu’un. On ne sait jamais, bien sûr, mais ça m’étonnerait. Elle, c’est différent. C’est une femme qui ne doit jamais rien regretter. Avec ça, elle pourrait bien être un peu folle…

J’acquiesçai derechef.

— Pourtant, dis-je, je ne crois pas qu’elle aurait tué quelqu’un simplement parce qu’il n’avait pas de l’existence la même conception qu’elle. Qu’elle ait vraiment détesté le vieux, c’est très possible ! Mais combien compte-t-on de crimes inspirés par la haine seule ?

— Fort peu, déclara Taverner. Pour moi, je n’en ai jamais rencontré. Je persiste à croire que notre grosse chance, c’est Mrs Brenda. Mais Dieu sait si nous pourrons jamais rien prouver !

 

La maison biscornue
titlepage.xhtml
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Christie,Agatha-La maison biscornue(1949).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html